Ciné-conférence Explorations dans la chaîne Trans Alaï, 3 février 2024, Forum des images, Paris 1er




Du 18 au 22 août


Le 18 août, nous arrivons aux environs de 9 heures à un emplacement vers 3 400 mètres d’altitude à proximité de la rivière Kichkesuu, et à plus d’une heure de marche de l’entrée de la vallée du même nom. Nous installons notre camp de base ici.

Dans la foulée, nous partons avec Gabriel pour un camp d’altitude, afin de nous acclimater. Nous déciderons, sur l’itinéraire, de son emplacement et de son altitude. Après une montée dans des prairies, des moraines (amas de débris rocheux entraînés par un glacier) et des traversées de rivières, nous sommes à un peu plus de 4 000 mètres d’altitude. Nous nous arrêtons, et installons notre tente au bord d’un petit lac. Nous avons parcouru environ huit kilomètres. Lors du début de la marche pour rejoindre l’entrée de la vallée, nous avons croisé des troupeaux de yacks et aperçu de nombreuses marmottes, des rencontres sympathiques. Montée lente, bien chargés.

Nuit mauvaise sans sommeil, les symptômes d’une gastro sont apparus. 

Le lendemain, vers 7 heures, nous redescendons au camp de base. Une descente très pénible avec cette gastro qui s’amplifie. Je ne sais pas bien comment j’ai pu l’attraper ; depuis mon arrivée à Och, il me semble avoir été vigilant et avoir respecté les règles d’hygiène alimentaire, ayant notamment bu uniquement de l’eau en bouteille, et mes repas étant constitués de boîtes de légumes et de riz apportés de France. Mais bon, je ne le saurai jamais, c’est comme ça.

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Au camp de base, pas de trêve, le jour comme la nuit… pas mal d’énergie perdue. Je ne me vois pas remonter dans cet état (et six jours après, elle perdure).

Par ailleurs, Yan, le météorologue qui m’envoie chaque jour un bulletin par satellite — par messagerie, et je l’appelle aussi par téléphone pour avoir les informations dans le détail — me précise que la météo n’est pas bonne ces jours prochains dans la vallée Kichkesuu, avec une période d’instabilité, du vent et des chutes de neige.

Vu le nombre de jours qu’il nous reste, après réflexion, nous décidons de quitter la vallée Kichkesuu et de retourner à Och. Pas évident…

Les déboires se cumulent, avec notamment cette déception, naturellement bien ancrée, de n’avoir pu entrer dans la vallée Altyn Daria pour rejoindre la vallée Bel Uluu. Voir journées du 16 et 17 août.

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Dans ce contexte de totale mésaventure, un peu de baume au cœur…

Sur le chemin du retour, dans la gigantesque plaine de l’Alaï, bordée à son sud par la chaîne Trans Alaï, nous traversons toute une zone occupée par des nomades kirghizes. Nous allons à leur rencontre. Des nuages denses couvrent la chaîne Trans Alaï à notre nord.

Ils nous accueillent avec beaucoup de chaleur et d’attention. Des grands-parents et leur petite fille de trois ans, Liena, nous reçoivent dans leur yourte. Ils nous proposent du kumiss, leur boisson locale traditionnelle faite de lait de jument fermenté. Je préfère refuser, ce qu’ils comprennent, et m’offrent alors du thé. Gabriel fait de même. Les parents de Liena travaillent en ce moment, raison pour laquelle ils ont confié leur fille aux grands-parents. 

Nous rencontrerons une autre famille, et échangerons en anglais avec un jeune nomade coiffé de son kalpak. Il étudie la médecine en Russie. Il nous précise qu’il passe toutes ses vacances d’été dans la prairie avec sa famille. Mais à l’instar de ce jeune, la nouvelle génération kirghize souhaite-t-elle faire perdurer la culture nomade ? Ce n’est qu’une question que je me pose, à laquelle je n’ai pas de réponse.

La saison s’achève pour ces semi-nomades, ils vont dorénavant démonter leurs yourtes — un travail d’environ 1 h 30 — pour rejoindre leurs villages respectifs. Dans cette région de Sary Tash, la saison se termine vers fin août, car nous sommes à 3 000 mètres d’altitude. Nous le constaterons sur le trajet de retour à Och, nous croiserons de nombreux troupeaux encadrés par des nomades. En revanche, dans la région de Djalalabad, où vit la famille de Marlen, à 1 000 mètres d’altitude, les nomades redescendent fin septembre. Ils louent chaque année la terre où ils passent l’été avec leurs troupeaux, et généralement c’est la même d’une année sur l’autre.

Ce fut une expérience exceptionnelle de découvrir ces camps de nomades kirghizes. 

Leurs yourtes et leurs troupeaux de chevaux, moutons, yacks…, au sein de cette steppe qui s’étend à l’infini à l’est et à l’ouest, forment un tableau majestueux, qui restera bien gravé dans ma mémoire. Particulièrement à la tombée de la nuit, lors de notre déplacement aller. 

Et quel bonheur de découvrir, à notre époque, ces nomades kirghizes, qui ont su maintenir à tout prix, malgré les difficultés traversées, leur vie traditionnelle. Une vie très certainement rude, mais en pleine immersion dans la nature. Une vie hors du temps, faite de simplicité, de rusticité et d’abnégation.