Nous nous levons à 1h30 dans la nuit. Le temps est beau, comme le prévoyait Yan dans son bulletin météo d'hier. A 2h30 nous quittons le camp, en direction du fond du glacier, à l'ouest.
La nuit est claire, une demi-lune éclaire le glacier et les montagnes qui l'entourent. Les conditions de regel sont bonnes. Mais il ne faut pas tarder car nous n'oublions pas que l'ISO 0°C est à 6500 m, il nous faudra redescendre la face avant que le soleil ne la frappe de plein fouet, déclenchant les chutes de pierres.
Nous parcourons en deux heures les trois kilomètres de distance jusqu'au pied de la face de la montagne. Nous décidons de tenter de la gravir.
Nous remontons une pente en glace et atteignons la rimaye.
Coordonnées GPS de la crevasse : N39,270115 - E72,177343 - Alt : 4828 m
Nous la franchissons et nous nous engageons dans cette face orientée est. Elle est en glace dure et relativement bien fournie. De quoi faire travailler les mollets ! Nous longeons le côté droit de la face, à proximité du rocher qui la longe ; à la descente, il nous faudra nous déporter vers son centre, afin d'être à l'abri des chutes de pierres qui ne vont pas manquer de se déclencher avec le lever du soleil. Une frayeur avec la chute d'un bloc de glace qui vient frapper mon casque. L'inclinaison de la pente est de 45° au début et atteint 60° par la suite. La forme est bonne.
2h45 plus tard, nous débouchons de la face et aboutissons sur un col, à la frontière avec le Tadjikistan.
Coordonnées GPS du col : N39,268666 - E72,174253 - Alt 5076 m
Une vingtaine de mètres plus haut, par une courte montée sur un pierrier, nous atteignons le sommet.
Les paysages sur 360° sont magiques ! Côté Tadjikistan, des montagnes enneigées et imposantes se détachent au loin. À l'est, les vues sont splendides sur le glacier Bel Uluu et les montagnes qui l'entourent.
Sous un cairn que nous réalisons, nous laissons, dans un emballage plastique (de pain de mie de mémoire), un papier avec des informations sur notre ascension. Nous prenons des photos de nous-mêmes et des paysages qui nous entourent.
Coordonnées (carte) du sommet : N39,269033 - E72,173918 - Alt 5090 m
Comme prévu, nous baptisons le sommet La pointe Cédric et Sophie, en langue russe Вершина Седрик и Софи. Voir : Préparation de l'expédition 2025 - Parag. 1.5
L'itinéraire d'ascension, nous le baptisons La voie les 6 fils, belles-filles et petits enfants, en langue russe Путь шесть сыновей, невесток и внуков.
Mais rien n'est terminé, le soleil s'est levé, il nous faut redescendre rapidement.
Nous redescendons dans la face, par un itinéraire situé à gauche de celui de la montée, afin d'éviter les chutes de pierres. Avec l'apparition du soleil, ces dernières se déclenchent sur le côté droit de la face, le long de la partie rocheuse de la montagne. Nous restons très vigilants et attentifs ! J'entends le bruit sifflant d'une pierre passer au dessus de ma tête.
Nous rejoignons le glacier Bel Uluu. Nous prenons notre temps pour redescendre ce dernier, afin de profiter de ces paysages exceptionnels.
Vers 12h30, nous sommes de retour au camp 2.
Nous sommes vraiment heureux d'avoir pu réaliser cette ascension, dans ces conditions de sécheresse rien n'était gagné. Une isotherme 0°C à 6500 m, comme me le confirmera Yan, c'est incroyable et exceptionnel !
Nous avons bien fait de réaliser cette ascension ce jour du 13 août, car la nuit suivante et la journée du 14 août, une chape de nuages va couvrir les reliefs, empêchant le regel. De ce fait, le 14 nous n'aurions rien pu tenter. Durant la nuit, nous entendons le grondement des chutes de pierres, entre autre dans la voie Espérance ; mais notre camp est à l'abri.
L'itinéraire d'ascension de la face, de 250 mètres de dénivelée, nous le cotons, dans ces conditions, D+ (Difficile +). Il me rappelle un peu l'itinéraire en face sud de l'Ala Izquierda Condoriri, situé dans la cordillère royale en Bolivie, que j'avais gravi en 2005, en précisant que les conditions y étaient meilleures, la face était en neige et non en glace dure.
Le sommet juste au dessus du col au débouché de la face
Petit cadre que j'emporte sur chaque sommet